L’art de
Passer le Flambeau
En 1955, l’industriel Michele
D’Ambrosio épouse la cause du soccer et accepte de devenir
principal bailleur de fonds d’une nouvelle équipe italienne à
Montréal. Sous la bannière de la Canadian-Italian Amateur Athletic
Association, D’Ambrosio, en tant que président, sera assisté par
Alfredo Garbarino, Joe Vincelli, M.Tucci, Windy Morielli, S.
Silvestre et Aldo Cecchi au rôle de directeur technique.
L’expérience désastreuse du club Hakoah dans l’Interprovinciale
aurait pu en décourager plusieurs, mais le succès à Toronto
parlait plus fort.
La CIAAA veut donner l’exemple à
suivre pour faire du soccer un sport majeur. Bien sûr, il fallait
investir dans un stade et dans de bons joueurs, mais D’Ambrosio va
plus loin. Il savait que si on voulait des assistances de 10 000 à
20 000 personnes, il fallait abso-lument amener les Canadiens
français dans les stades. Une tâche gigantesque, car elle coïncide
avec le début de l’expression formelle du nationalisme québécois,
même dans le sport. Comme en témoigne l’émeute du mois de mars
au Forum de Montréal, déclenchée, souvenons-nous, par la présence
du président de la Ligue nationale de hockey, Clarence Campbell.
Celui-ci s’était entêté à se présenter au match, sachant très
bien qu’il serait malvenu après avoir suspendu Maurice Richard,
injustement selon les partisans. Pour la grande majorité des
Canadiens français, le soccer restait un sport d’immigrants
anglophones et allophones.
D’Ambrosio avait l’habitude de
relever de grands défis. Montréalais de naissance, en 1926, à
l’âge de 19 ans, il occupait déjà le poste de contremaître dans
une compagnie hydraulique mécanique. Il fonda sa propre compagnie
et, entre 1949 et 1960, la Industrial Plumbing & Heating occupait
une place importante sur le marché nord-américain. Dans les années
30, il avait subventionné les premières équipes
semi-professionnelles italiennes de hockey et de base-ball.
Par ailleurs, les Canadiens français
ont joué aussi un rôle dans l’histoire du soccer montréalais.
Peu savent quel était ce rôle, parce que peu d’historiens ont osé
s’aventurer dans la recherche historique d’un sport étiqueté
comme celui des immigrants. Il suffit de penser à l’exemple des
célèbres frères Castonguay. L’aîné, Roland Alphonse Joseph
Castonguay, joua son soccer juvénile pour le club Westmount. Cet
homme de petite taille, à peine 5 pieds 2 pouces, est par contre
très costaud. Il est un redoutable ailier gauche.
En 1932, il devient joueur senior avec
la prestigieuse équipe du Canadian Pacific Railway (CPR), équipe
qui aligne entre autres Geordie Jenkins, qui connaîtra un grand
succès avec le Glasgow Rangers. On le surnomme « Dempsey », car il
pouvait décrocher un puissant tir, autant du pied gauche que du
droit. En 1934, avec le club Verdun Park qui aligne Jim Lone, Harry
Payne jr., et les frères Fitzpatrick, « Dempsey » hérite tout
naturellement du rôle d’ailier. Avec le Verdun Park, il se rend en
finale canadienne et gagne la Challenge Cup contre le Reds de Prince
Albert. L’année suivante, avec les frères Fitzpatrick, « Dempsey
» se joint au club Aldred. Encore une fois, il gagnera la Challenge
Cup, sans doute le premier Canadien français à réussir l’exploit.
En 1936, Paul-Émile Castonguay, joueur
d’avant-centre, se joint à son frère « Dempsey » et ils
feront la pluie et le beau temps avec le Carsteel.
Paul-Émile se fera remarquer en 1939
en marquant près de 40 buts. Il sera le joueur clé qui amènera le
Carsteel en finale de la Challenge Cup, mais sans toutefois
l’emporter à Winnipeg contre le Radials de Vancouver.
Marcel Castonguay, quant à lui, après
un bref séjour avec le club Victoria Hospital, se joint aussi au
club Carsteel.
Avant la deuxième guerre mondiale, au
moins un des Castonguay faisait toujours partie de l’équipe étoile
de Montréal. « Dempsey » a même joué contre les étoiles
écossaises au stade McGill au mois de juin 1939, à la veille de la
visite royale et également contre le Charlton Athletic au stade de
base-ball. En 1948, Marcel sera de la sélection montréalaise qui
affrontera le Liverpool devant 12 000 spectateurs au stade de
base-ball. Montréal perd la partie 4-2, mais Marcel sera l’auteur
d’un des buts.
D’Ambrosio est un visionnaire qui
peut se permettre de rêver, il en a les moyens. C’est de cela que
le soccer montréalais avait besoin. La nouvelle organisation
italienne allait prendre les choses en main et l’un des premiers
gestes qu’elle pose est de débarrasser le club Montreal Italia de
son nom, considéré trop nationaliste. Le Montreal Italia sera
remplacée par le politiquement correct « Can-talia (Canada-Italia),
» qui lorsque contracté deviendra, Cantalia. L’opération s’est
faite en « coulisse » et quand Pessa se réveilla, il ne put que
constater que la majorité des joueurs du club Montreal Italia
l’avaient déserté.












